26/07/2006
La fille de joie
Dans la seconde moitié du Xème siècle, sous le règne de Conrad-le-Pacifique, le Vivarais a subi une attaque des Hongrois. Ce sont des guerriers particulièrement féroces et sanguinaires. Leur passage va marquer les esprits et laisser un curieux souvenir rapporté par quelqu’un d’assez inattendu.
« Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée » dit-on, mais la fille de joie se rit des dictons populaires. Perchée sur l’escalier de la petite rue de la Mure, provocante et moqueuse, elle interpelle les honnêtes femmes qui marchent les yeux baissés et les beaux messieurs qui lui jettent des regards de convoitise. Elle les connaît tous et s’amuse de leurs peurs.
Et ben, y’en a du beau linge ce soir ! Mais c’est pas un quartier pour vous m’sieurs dames ! Juste une rue pour les pauv’ filles comme moi… Surtout la nuit… quand il rôde…
Le Babau, je l’ai vu : tout rouge, de peau, de poil, tout de pourpre vêtu, chaussé de cuissardes fauves avec lesquelles il marche à grandes enjambées. Géant, fort comme un taureau… En plus, le Babau est accompagné d’un énorme chien noir au poil hérissé et à la gueule écumante. C’est, pour sûr, un animal sorti tout droit de l’enfer ! D’ailleurs je me suis laissée dire que le Babau fait, quand l’occasion se présente, un peu de commerce avec le Diable…
Surgi de nulle part, il parcourt les rues à l’heure du souper et s’il croise quelqu’un, il s’écrit : « Rentrez chez vous. Le jour est pour vous, la nuit est pour moi ! »
Mais personne n’a réellement envie de le trouver sur son chemin, ni de voir les flammes qui brillent au fond de ses yeux. Il peut alors commencer son travail.
Il s’arrête devant toutes les maisons où habitent des familles avec des enfants. Il regarde par la fenêtre pour voir si les petits… mangent bien leur soupe. Malheur à celui qui fait des caprices et laisse refroidir le potage dans son assiette ! Le Babau entre soudain dans la cuisine, son chien sur les talons. L’horrible animal grogne en retroussant les babines. Il découvre d’énormes crocs jaunâtres. Glacé d’horreur, personne n’ose bouger ne serait-ce que le petit doigt. Alors le Babau en profite pour s’emparer de l’enfant capricieux. Il le met sous son bras et l’emporte dans la nuit.
Le petit prisonnier a beau crier et gesticuler pour essayer de se libérer. Rien n’y fait. Le Babau ricane. Puis, lorsqu’il a terminé sa tournée, il disparaît comme il est apparu. Il retourne dans l’Autre Monde avec son chien et les pauvres enfants qui ne voulaient pas manger leur soupe.
Il paraît qu’une fois arrivé dans son château, le Babau dévore les rabuzous tout crus sur une table d’or et qu’il jette leurs os à son chien.
Allez, faut pas rester là, m’sieurs dames… Rentrez chez vous. Le jour est pour vous et la nuit est pour moi !!!
Je ne sais pas ce que vous en pensez mais, à mon avis, il vaut mieux ne pas trop traîner dans le quartier… Cette histoire de Babau fait froid dans le dos !… Passez votre chemin et, à l’avenir, essayez d’éviter les mauvaises rencontres.
16:05 Publié dans Légende | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : spectacle de rue, légende du vivarais, annonay
La légende d'André
La roche Péréandre est un énorme rocher naturel qui se dresse au beau milieu de la Cance sur la commune de Vernosc-lès-Annonay. Sa stature imposante est bien connue des amateurs d’escalade et des randonneurs.
Mais, voyez-vous, un homme intrépide qui s’appelait André s’était mis dans la tête qu’un fabuleux trésor se cachait sous la roche. Il plongea un beau jour et découvrit une sorte de caverne dans laquelle il réussit à se glisser. Hélas, si la grotte était assez grande pour abriter un homme, elle ne contenait ni pièces d’or, ni joyaux. André devait se faire une raison, il allait rentrer chez lui bredouille ! De plus, comme pour ajouter encore à sa déconvenue, une crue subite fit monter le niveau de la rivière l’obligeant à passer trois jours et trois nuits dans son abri sous les eaux. Lorsqu’il put enfin sortir, tout transi, couvert de boue, il remonta péniblement en ville.
Alors qu’il passe devant le portail grand ouvert de la chapelle de Trachin, il voit la nef tout illuminée de cierges allumés : on y célèbre une messe de requiem. Notre homme touché par la compassion questionne un des assistants :
- « Mais qui donc est mort ? »
Pour toute réponse, il n’obtient qu’un cri d’effroi :
- « C’est lui, c’est le mort qui revient... et en quel état ! »
Mais aussitôt ses parents et toute sa famille le reconnaissent et l’entourent :
- « André ! Nous t’avons cherché partout, nous t’avions cru disparu à jamais et nous faisions chanter un office à ta mémoire... mais te voilà ! Viens, viens déjeuner car tu dois mourir de faim. »
Un repas de funérailles attend la famille et les amis. Ce ne sont que gigots de moutons et poulets rôtis arrosés d’un bon vin de Cornas.
Mais… on ne se gave pas à son propre repas de funérailles impunément. André mangea tant... et tant… qu’il en mourut !
L’office put reprendre et s’achever à Trachin… le glas sonner pour de bon.
La roche de la Cance aura malgré tout scellé le destin d’André… d’ailleurs elle garde toujours son souvenir. Elle s’appelle la roche où périt André… la roche Péréandre.
14:10 Publié dans Légende | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : légende, roche Péréandre, Vernosc-lès-Annonay, chapelle de Trachin, Annonay
Le bon docteur Caron
La chapelle de Trachin a échappé à tous les outrages infligés aux églises ou couvents d’Annonay pendant les Guerres de Religion. Histoire ou légende selon l’inclinaison de votre cœur, voici une bien belle explication à ce miracle.
A l’époque des guerres de religion, au cours d’un assaut, un chef protestant est grièvement blessé au pied des remparts. La plaie est profonde… au bout de quelques heures, l’infection gagne et la douleur devient insupportable. Les médecins présents, malgré tout leur savoir, se déclarent impuissants à soulager leur patient. Il doit se mettre en paix avec sa conscience et se préparer au trépas.
Mais l’homme ne l’entend pas de cette oreille. Il appelle son plus dévoué compagnon et lui dit :
- « Va me chercher Caron. Lui, saura me guérir. »
Caron est un médecin d’Annonay dont la réputation s’étend bien au-delà des limites de la ville et les malades viennent de loin pour le consulter… dans les cas désespérés. Mais Caron est catholique… la mission est délicate…
Le célèbre médecin réfléchit quelques instants… Il a prêté le serment d’Hippocrate, il se doit de porter secours à quiconque mais il déclare au soldat :
- « Et bien soit. J’irai soigner ton capitaine mais à une seule condition… il doit jurer sur son honneur de protéger la chapelle de Trachin. »
Voilà, pour sûr, un marché bien honnête ! La mort est redoutable… alors le Huguenot promet.
Quelques jours plus tard, grâce à l’habilité de Caron, la blessure, proprement désinfectée, se referme.
Notre capitaine était homme de parole. Trachin a survécu aux guerres de religion.
13:50 Publié dans Légende | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : légende, guerres de religion, annonay, caron, chapelle de trachin