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26/07/2006

L'ermite de Saint-Denis

medium_Maison_Carree.2.jpgDu pont Neuf, le regard s’élève vers les rochers de Saint Denis. Sentinelles farouches, ils veillent depuis des millénaires sur l’étroit passage des Fouines. Ils ont vu tant de choses ! La mémoire des lieux vit dans les cristaux de ces pierres dressées et les légendes s’y lisent comme en un livre ouvert.

La première histoire que je vais vous conter est vieille comme le monde… Elle se passe à une époque où la ville d’Annonay n’existait pas encore. A sa place, les eaux dormantes d’un grand lac reflétaient le bleu du ciel. La rivière Deûme encore bien jeune venait y terminer sa course, le faisant si profond que le sommet des rochers de Saint-Denis, accroché tout là-haut, se tenait juste au bord.

Sur le rocher, s’élevait une petite chapelle et, dans cette chapelle, vivait un ermite.

Le reclus ne sortait qu’une fois par jour pour pêcher dans le lac l’unique poisson nécessaire à sa subsistance. A peine avait-il jeté sa ligne qu’une truite de belle taille venait se prendre à l’hameçon. Il lui suffisait alors de la faire cuire et de s’en régaler. Puis il s’en retournait à ses douces prières auxquelles il consacrait le plus clair de son temps.

Mais, voyez-vous, la présence d’un homme aussi parfait que l’était notre ermite, un saint homme pour tout dire, ne manque jamais d’attirer son contraire, son jumeau des profondeurs… je veux parler du Diable. Et en effet, le Diable était bien là… Il regardait l’ermite avec ses yeux de braise et se disait :

« Je ne peux pas supporter cela plus longtemps… il faut absolument que je trouve le moyen de lui faire commettre un péché… un péché capital !… »

Alors le Diable réfléchissait et, finalement, il eut une idée…

Une nuit, alors que l’ermite méditait dans la chapelle, il entendit dehors un bruit épouvantable… pire que le pire coup de tonnerre… pire que la pire tempête… Mais le saint homme ne voulait pas se déranger pour si peu.

Le lendemain, lorsqu’il sortit pour pêcher son poisson quotidien, l’ermite vit ce qui s’était passé pendant la nuit. Le Diable avait fait s’effondrer le rocher qui retenait les eaux du lac… elles s’en étaient allées… la Deûme avait pris son cours et, au grand galop, sans se soucier du malheur des hommes, elle s’en allait maintenant faire ses noces avec la Cance… tandis que, de tout là-haut, l’ermite ne pouvait plus pêcher pour se nourrir.

Le Diable, satisfait, regardait le reclus en ricanant :

« ça y est ! » se disait-il « Maintenant, chaque jour, il lui faudra quitter son ermitage pour descendre pêcher ; il risquera de se rompre les os à chaque pas à cause des éboulis. Quand il aura enfin capturé un pauvre poisson tout maigre à force de lutter contre le courant, il devra retourner par le même chemin si escarpé qu’il en aura les jambes et le souffle coupés ! Il va enfin apprendre ce qu’est la colère… il maudira le ciel et la terre ; il reniera le Créateur qui condamne une âme pure à un sort si injuste… »

Mais, cette fois encore, le Diable se trompait… l’ermite avait confiance. Au lieu de se plaindre et de s’agiter inutilement, le saint homme se mit à cultiver son rocher…qui lui donna en échange des fruits et des légumes à la saveur de paradis.

Après cette aventure, le Diable s’en est allé et on ne l’a plus revu depuis. Du moins, ici, à Annonay. Parce que… ailleurs, vous l’avez remarqué sans doute, le Diable continue bien de se mêler aux affaires des humains !

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