Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/07/2006

Le lecteur public

medium_Rue_Sainte_Marie_-_Maison_Boissy_d_Anglas.jpgFrançois Antoine Boissy est né le 8 décembre 1756 à Saint-Jean-Chambre près de Vernoux. Il n’a que trois ans lorsque son père meurt ! Sa mère décide alors de venir s’installer chez son propre père, Jean Rignol, avocat qui habite une riche demeure au 7 rue Sainte-Marie à Annonay. Le jeune François Antoine va y passer son enfance.

On dit souvent que « Nul n’est prophète en son pays » ; la vie de Boissy d’Anglas illustre bien ce proverbe. Cependant, il conservera toujours un amour profond pour sa terre d’origine. Bien que décédé à Paris le 20 octobre 1826, il sera enterré à Annonay, au cimetière de la Croisette, conformément à ses dernières volontés.

Un émouvant témoignage de l’attachement du député Boissy d’Anglas aux vertus de la Révolution nous est donné dans une lettre datée de 1790. Elle est intitulée « A mes concitoyens »… en voici quelques lignes : « Il est un principe sacré que nous n’oublierons jamais, c’est que les hommes sont égaux et qu’ils doivent tous être libres. Ainsi, généreux Citoyens, n’attaquez, je vous en conjure, la liberté de personne et ne perdez jamais de vue, que lorsqu’on veut créer une plaine, ce n’est pas seulement les montagnes que l’on abaisse mais les vallons que l’on élève. »

Mais, c’est le 1er prairial de l’an III (le 20 mai 1795) que François Antoine Boissy d’Anglas, député de la Convention, a rendez-vous avec l’Histoire.

medium_Maison_des_Consuls.2.jpgA Annonay, un lecteur public, installé dans la cour de la maison des Consuls, ouvre le « Journal de Paris ». Devant un auditoire venu s’informer des dernière nouvelles, il va évoquer les tragiques événement qui se sont déroulés dans la capitale quelques jours plus tôt :

 

Toute la nuit du 30 floréal au 1er prairial se passa en agitations, en cris, en menaces. A la pointe du jour, le tumulte était général. Les patriotes faisaient retentir toutes les cloches dont ils pouvaient disposer, ils battaient la générale et tiraient le canon tandis que sonnait le tocsin.

Le rassemblement grossissant toujours s’avançait peu à peu vers les Tuileries. Les femmes marchaient les premières parce que, disaient-elles, la force armée n’oserait pas tirer sur elles. Elles criaient que la Convention n’avait tué Robespierre que pour se mettre à sa place, qu’elle affamait le peuple, protégeait les marchands qui suçaient le sang du pauvre et envoyait à la mort tous les patriotes. Elles réclamaient du pain et la constitution de 93 ! Des hommes ivres, des troupes de bandits armés de piques, de sabres et d'armes de toute espèce, des flots de la plus vile populace et quelques bataillons des sec­tions régulièrement armés formaient ce rassem­blement qui marchait sans ordre vers le but indiqué à tous : la Convention. Vers les dix heures, ils étaient arrivés aux Tuileries, ils assiégeaient la salle de l'assemblée, et en fermaient toutes les issues.

Les députés, accourus en toute hâte, étaient à leur poste. Les membres de la Montagne n'avaient pas été avertis, et, comme leurs collègues, ne connaissaient le mouvement que par les cris de la populace et les retentissements du tocsin.

L'assemblée à peine réunie, le député Isambeau vint lui lire le ma­nifeste de l'insurrection. Les tribunes, occupées de grand matin par les patriotes, retentirent aussi­tôt de bruyants applaudissements. En voyant la Convention ainsi assiégée, un membre s'écria qu'elle saurait mourir à son poste. Aussitôt tous les députés se levèrent en répétant : « Oui ! Oui ! »

Dans ce moment, on entendait croître le bruit, on entendait gronder les flots de la populace ; les députés se succédaient à la tribune, et présentaient différentes réflexions. Tout à coup on voit fondre un essaim de femmes dans les tribunes ; elles s'y précipitent, foulant aux pieds ceux qui les occupent et criant :

medium_Statue_de_Boissy_d_Anglas_-_1er_prairial_4.2.jpg« Du pain ! du pain ! »

Le président Vernier leur commande le silence ; mais elles continuent à crier :

« Du pain ! du pain ! »

Les unes montrent le poing à l'assemblée, les autres se moquent. Le président Dumont déclare alors qu'il va les faire sortir : on le couvre de huées d'un côté, d'applaudissements de l'autre.

Dans ce moment, on entend des coups violents donnés dans la porte de gauche, et le bruit d'une multitude qui fait effort pour l'enfoncer ; des plâtras tombent. Le président, dans cette situation périlleuse, s'adresse à un général qui s'était pré­senté à la barre pour faire une pétition fort sage :

« Général, lui dit-il, je vous somme de veiller sur la représentation nationale, et je vous nomme commandant provisoire de la force armée. »

L'assemblée confirme cette nomination par ses applaudissements. Le général déclare qu'il mourra à son poste et sort pour se rendre au lieu du combat. Dans ce moment, le bruit qui se faisait à l'une des portes cesse ; un peu de calme se rétablit.

Le président, s'adressant aux tribunes, enjoint à tous les bons citoyens qui les occupent d'en sortir et déclare qu'on va employer la force pour les faire évacuer. Certains sortent mais les femmes restent en poussant les mêmes cris.

medium_Statue_de_Boissy_d_Anglas_4.3.jpgQuelques instants après, le général, chargé de veiller sur la Convention, rentre avec une escorte de fusiliers et plusieurs jeunes gens qui s'étaient munis de fouets de poste. Ils escaladent les tribunes et en font sortir les femmes en les chassant à coups de fouet. Elles fuient en poussant des cris épouvantables, sous les applaudissements d'une partie des assistants.

A peine les tribunes sont-elles évacuées, que le bruit redouble. La foule est revenue à la charge ; elle attaque de nouveau la porte qui cède à la violence, éclate et se brise. Les membres de la Convention se retirent sur les bancs supérieurs ; la gendarmerie forme une haie autour d'eux pour les protéger. Aussitôt des citoyens armés des sections accourent dans la salle par la porte de droite, ils chassent d’abord la populace et s’emparent de quelques femmes ; mais ils sont bientôt refoulés à leur tour.

Heureusement la sec­tion de Grenelle, accourue la première au secours de la Convention, arrive dans ce moment, et vient fournir un utile renfort.

Le député Auguis est à sa tête, le sabre à la main.

« En avant ! » s'écrie-t-il...

On se serre, on avance, on croise les baïonnettes, et on repousse sans blessures la multitude des assaillants qui cède à la vue du fer. On saisit par le collet l'un des révoltés, on le traîne au pied du bureau, on le fouille, et on lui trouve les poches pleines de pain. Il était deux heures. Un peu de calme se ré­tablit dans l'assemblée.

Cependant la foule augmentait autour de la salle. Les deux ou trois sections retranchées à l’intérieur du Palais National ne pouvaient résister à la masse toujours croissante des assaillants. Des renforts ve­naient d'arriver mais ils ne pouvaient pénétrer dans l'intérieur ; ils n'avaient pas d'ordre et ne savaient quel usage faire de leurs armes.

En cet instant la foule pénètre jusqu'à la porte brisée. On crie :

« Aux armes ! »

et les hommes qui se trouvaient à l'intérieur de la salle accourent ; l'assemblée demeure calme. Le combat s'engage devant la porte même ; les défenseurs de la Convention croisent la baïonnette ; de leur côté les assaillants font feu, et les balles viennent frapper les murs de la salle. Les députés se lèvent en criant :

« Vive la république ! »

De nouveaux détachements accourent et viennent prêter main forte. Les coups de feu redoublent : on charge, on se mêle, on sabre. Mais une foule immense, placée derrière les assaillants, les pousse, les porte malgré eux sur les baïonnettes, renverse tous les obstacles qu'on lui oppose et fait irruption dans l'assemblée.

Un jeune député, plein de courage et de dévouement, Féraud, récemment arrivé de l'armée du Rhin et courant depuis quinze jours autour de Paris pour hâter l'arrivage des subsistances, vole au-devant de la foule et la conjure de ne pas pé­nétrer plus avant :

« Tuez-moi, s'écrie-t-il en découvrant sa poitrine ; vous n’entrerez qu’après avoir passé sur mon corps. »

Puis il se couche à terre pour essayer de les arrêter mais ces furieux, sans l'écouter, passent sur son corps et courent vers le bureau.

Il était trois heures. Des femmes ivres, des hommes armés de sabres, de piques, de fusils remplissent la salle ; les uns vont occuper les banquettes inférieures, abandonnées par les députés, les autres remplissent le parquet, quelques-uns se placent devant le bu­reau ou montent par les petits escaliers qui con­duisent au fauteuil du président.

Un jeune officier des sections, nommé Mally, placé sur les marches du bureau, arrache à l'un de ces hommes l'écriteau qu'il portait sur son chapeau. On tire aussitôt sur lui et il tombe blessé de plusieurs coups de feu.

medium_Statue_de_Boissy_d_Anglas_-_1er_prairial_5.jpgDans ce moment, toutes les baïonnettes, toutes les piques se dirigent sur le président ; on enferme sa tête dans une haie de fer. C'est Boissy d'Anglas qui a succédé à André Dumont ; il demeure immobile et calme.

Féraud, qui s'était relevé, accourt au pied de la tribune, s'arrache les cheveux, se frappe la poitrine de douleur, et, en voyant le danger du président, s'élance pour aller le couvrir de son corps.

L'un des hommes armé de piques veut le retenir par l'habit ; un officier, pour dégager Fé­raud, assène un coup de poing à l'homme qui le retenait ; ce dernier répond au coup de poing par un coup de pistolet qui atteint Féraud à l'épaule. L’infortuné jeune homme tombe, on l'entraîne, on le foule aux pieds, on l'emporte hors de la salle, et on livre son cadavre à la populace.

Boissy-d'Anglas demeure calme et impassible au milieu de cette épouvantable scène ; les baïonnettes et les piques environnent encore sa tête. Alors commence une scène de confusion impossible à décrire. Chacun veut parler et crie en vain pour se faire entendre. Les tambours battent pour rétablir le silence mais la foule, s'amusant de ce chaos, vocifère, frappe des pieds, trépigne de plaisir en voyant l'état auquel est réduite l’as­semblée.

Un canonnier, entouré de fusiliers, monte à la tribune pour lire le plan d'insurrection. La lecture est à chaque instant interrompue par des cris, des injures, et par le roulement du tambour. Un homme veut prendre la parole, et s'adresser à la multitude :

« Mes amis, dit-il, nous sommes tous ici pour la même cause. Le danger presse, il faut des décrets, laissez vos représentants les rendre. »

« A bas ! à bas ! » lui crie-t-on pour toute réponse.

Le député Rhul, vieillard d'un aspect vénérable et montagnard zélé, veut dire quelques mots de sa place mais on l'interrompt par de nouvelles vociférations. Romme, homme austère, étranger à l'insurrection, mais désirant que les mesures demandées par le peuple fussent adoptées, et voyant avec peine que cette épouvantable confusion allait être sans résultat, demande la parole ; Duroi la demande aussi pour le même motif : ni l'un ni l’autre ne peuvent l'obtenir. Le tumulte recom­mence, et dure encore plus d'une heure.

medium_Statue_de_Boissy_d_Anglas_-_1er_prairial_6.2.jpgPendant cette scène on apporte une tête au bout d'une baïonnette : on la regarde avec effroi, on ne peut la reconnaître. Les uns disent que c'est celle de Fréron, d'autres disent que c'est celle de Féraud. C'est bien celle de Féraud, en effet, que des brigands avaient coupée et qu'ils avaient placée au bout d'une baïonnette. Ils la promènent dans la salle, au milieu des hurlements de la multitude.

La fu­reur contre le président Boissy d'AngIas recom­mence ; il est de nouveau en péril ; on entoure sa tête de baïonnettes ; on le met en joue de tous côtés ; mille morts le menacent. Il était déjà sept heures du soir. On tremblait dans l'assemblée, on craignait que cette foule, où se trouvaient des scélérats, ne se portât aux dernières extrémités et n'égorgeât les représentants du peuple au milieu de l'obscurité de la nuit. Plusieurs membres du centre engageaient certains montagnards à parler pour exhorter la multitude à se dissiper.

Vernier essaie de dire aux révoltés qu'il est tard, qu'ils doivent songer à se retirer, qu'ils vont exposer le peuple à manquer de pain, en troublant les arrivages :

« C'est de la tactique, » répond la foule « il y a trois mois que vous nous dites cela. »

Alors plusieurs voix s'élèvent suc­cessivement du sein de la multitude : celle-ci demande la liberté des patriotes et des députés arrêtés ; celle-là, la constitution de 93 ; une troisième, l'arrestation de tous les émigrés ; une foule d'autres, des perquisitions pour recher­cher les subsistances cachées, etc… Enfin, un dernier ne sachant que demander s’écrie :

« L’arrestation des coquins et des lâches ! »

et, pendant une demi-heure, il répète par intervalle :

« L’arrestation des coquins et des lâches ! »

L'un des meneurs, sentant enfin la nécessité de décider quelque chose, propose de faire descendre les députés des hautes banquettes, où ils sont placés, pour les réunir au milieu de la salle et les faire délibérer. Aussitôt on adopte la proposition, on les pousse hors de leurs sièges, on les fait descendre, on les parque, comme un troupeau. Des hommes les entourent, et les enferment en faisant la chaîne avec leurs piques. Ver­nier remplace Boissy-d'Anglas, accablé de fatigues après six heures d'une présidence aussi périlleuse.

Il est neuf heures. Une espèce de déli­bération s'organise ; on convient que le peuple restera couvert et que les députés seuls lèveront leurs chapeaux en signe d'approbation. Les Montagnards commencent à espérer qu’on pourra rendre les décrets et se disposent à prendre la parole. Romme demande qu'on ordonne la libération des patriotes. Duroi dit que les députés arrêtés au 12 germinal l'ont été illégalement et qu'il faut prononcer leur rappel. On oblige le président à mettre ces différentes propositions aux voix ; on lève les chapeaux, on crie :

« Adopté, adopté »

au milieu d'un bruit épouvantable, sans qu'on puisse distinguer si les députés ont réellement voté. Bourbotte demande l'arrestation des journalistes. Une voix inconnue s'élève, et dit que, pour prou­ver que les patriotes ne sont pas des cannibales, il faut abolir la peine de mort :

« Oui, oui, » s'écrie-t-on, « excepté pour les émigrés et les fabricateurs de faux assignats. »

On adopte cette proposition dans la même forme que les précédentes.

Duques­noy demande la suspension des comités et la nomination d'une commission extraordinaire de quatre membres. On désigne sur-le-champ Bourbotte, Prieur (de la Marne), Duroi et Duquesnoy lui-même. Ces quatre députés acceptent les fonctions qui leur sont confiées. Quelque périlleuses qu'elles soient, ils sauront, disent-ils, les remplir, et mourir à leur poste. Ils sortent pour se rendre auprès des comités, et s'emparer de tous les pouvoirs. C'était là le difficile et toute la journée dépendait du ré­sultat de cette opération...

medium_Statue_de_Boissy_d_Anglas_-_1er_prairial_7.3.jpgMais l'insurrection n’avait pas été menée avec la mesure et la vigueur qui pouvaient la faire réussir. Quelques furieux avaient commis des excès affreux mais n'avaient rien fait de ce qu'il fallait faire. Aucun détachement ne fut envoyé pour suspendre et paralyser les comités, pour ouvrir les prisons et délivrer les hommes éner­giques dont le secours eût été si précieux. On s'é­tait emparé seulement de l'arsenal.

Pendant ce temps, au contraire, les comités du gouvernement, entourés et défendus par la jeu­nesse dorée, avaient employé tous leurs efforts à réunir les sections. Ce n'avait pas été facile avec le tumulte qui régnait et avec l'effroi qui s'était emparé de beaucoup d'entre elles. Mais ils étaient parvenus ensuite à en convoquer un assez grand nombre et ils se disposaient vers la nuit à saisir le moment où le peuple, fatigué, commencerait à devenir moins nombreux pour fondre sur les révoltés et délivrer la Convention. Le­gendre, Auguis, Chénier, Delecloi, Bergoeng et Kervélégan s'étaient rendus à la tête de forts déta­chements, auprès de la Convention. Arrivés là, ils étaient convenus de laisser les portes ouvertes, afin que le peuple, pressé d'un côté, pût sortir de l'autre. Legendre et Delecloi s'étaient chargés ensuite de pénétrer dans la salle, de monter à la tribune au milieu de tous les dangers et de sommer les révoltés de se retirer :

 « S'ils ne cèdent pas, dirent-ils à leurs collègues, chargez, et ne craignez rien pour nous. Dussions-nous périr dans la mêlée, avancez toujours. »

Legendre et Delecloi pénétrèrent en effet dans la salle, à l'instant où les quatre députés nommés pour former la commission extraordinaire allaient sortir. Legendre monte à la tribune, à travers les insultes et les coups et prend la parole au milieu des huées :

« J'invite l'assemblée, dit-il, à rester ferme, et les citoyens qui sont ici à sortir. »­

« A bas ! à bas ! » s’écrie la foule.

Legendre et Delecloi sont obligés de se retirer. Duquesnoy s'adresse alors à ses collègues de la commission extraordinaire, et les engage à le suivre afin de suspendre les co­mités « qui, comme on le voit, dit-il, sont contraires aux opérations de l'assemblée. » 

Ils sortent alors tous les quatre, mais ils rencontrent le détachement à la tête du­quel marchent les représentants Legendre, Kervé­légan et Auguis ainsi que Raffet, le commandant de la Garde Nationale. Prieur (de la Marne) demande à Raffet s'il a reçu du président l'ordre d'entrer :

« Je ne te dois aucun compte. » lui répond Raffet et il avance.

On somme alors la multitude de se retirer ; le président l'y invite au nom de la loi : elle répond par des huées. Aussitôt on baisse les baïonnettes et on entre ; la foule désarmée cède mais des hommes armés qui s'y trouvaient mêlés résistent un moment ; ils sont repoussés et fuient en criant : « A nous sans-culottes ! »

Une partie des patriotes revient à ce cri, et charge avec violence le détachement qui avait pénétré. Ils ont un in­stant l'avantage ; le député Kervélégan est blessé à la main ; les montagnards Bourbotte, Peyssard, Gaston, crient victoire. Mais le pas de charge re­tentit dans la salle extérieure ; un renfort considé­rable arrive, fond de nouveau sur les insurgés, les medium_Statue_de_Boissy_d_Anglas_1.5.jpgrepousse, les sabre, les poursuit à coups de baïon­nettes.

Ils fuient, se pressent aux portes ou esca­ladent les tribunes et se sauvent par les fenêtres.

La salle est enfin évacuée : il est minuit.

 

Le lecteur public se lève ; l’assistance est silencieuse, perdue dans ses pensées. Un homme redresse la tête. Il travaille à l’Ecu de Ville, une auberge où les voyageurs échangent les nouvelles, le soir, après souper. Hier, justement, il a entendu parler de cette fameuse journée du 1er Prairial. Il paraît qu’au moment où les insurgés se sont avancés avec la tête de Féraud plantée au bout de leur pique, Boissy d’Anglas s’est levé et, sans un mot, a ôté son chapeau. Cet hommage muet et plein de dignité a imposé le respect… y compris à ses adversaires les plus farouches.

Loin de la violence extrême de la capitale, les citoyens d’Annonay partagent les inquiétudes des insurgés parisiens. « Du pain ! du pain ! », le cri désespéré des femmes résonne dans leur tête. Mais, au fond du cœur, chacun nourrit l’espoir que demain sera meilleur…

Texte d’Adolphe Thiers

medium_Statue_de_Boissy_d_Anglas_-_1er_prairial_1bis.jpg