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26/07/2006

La légende des Afars

medium_Passage_des_Fouines.2.jpgUn curieux passage couvert qui ne porte pas de nom rejoint le pied de la montée du Savel à la rue Greffier-Chomel. Je l’ai baptisé « Passage des Afars » car il permet de se rendre au quartier des Fouines où habitent ces étranges personnages qu’il est possible de suivre à la trace dans toute l’Ardèche du nord.

Les Afars font partie de la grande famille des Elémentaux. Ils ont à peu près la taille d’un enfant de six ans ; ils sont tout noirs mais pas noirs de peau, non… noirs parce que couverts de poils de la tête aux pieds. Ils ont aussi de longues oreilles pointues et deux petits yeux pleins de malice grâce auxquels ils voient dans l’obscurité à la manière des chats.

Les Afars habitent dans les grottes, les souterrains - les « bornes » ou les « tunes » comme on dit par chez nous – mais toujours près de l’eau et, à la nuit tombée, ils sortent en même temps que le ratapanard, le javagnau ou la gnauchoule.

Ils vont chaparder de la nourriture dans les champs, dans les jardins ou quelquefois même jusque dans les caves : du blé, des carottes, du choux, des raves, des truffoles, des pommes, des châtaignes…

Autrefois, ils avaient l’habitude de voler, à l’étendage, les langes des enfants salés c’est-à-dire baptisés.

Quand, sur leur chemin, ils rencontrent une vache qui passe la nuit dehors, ils vont la traire pour boire son lait puis ils lui tressent les poils de la queue !

Mais les Afars ne prennent que ce qu’il leur faut pour vivre ; ils savent se contenter de peu.

Les Afars peuvent être employés comme gardiens de trésors par les fées, les enchanteurs, les magiciens et même le Diable. Près de Saint-Julien-Vocance, au sommet du Chirat Blanc, ce sont eux qui gardent le « Peitel » d’or. Après le travail, pour se distraire, ils font des rondes endiablées autour des rochers.

Les Afars aiment aussi beaucoup faire des farces aux humains.

Autrefois, leur farce favorite consistait à monter sur les toits des maisons et à s’asseoir sur les cheminées pour les empêcher de tirer. Ils riaient beaucoup de voir les gens ouvrir portes et fenêtres puis sortir en toussant car la fumée avait envahi la cuisine.

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Parfois certains hommes se mettent en tête de capturer des Afars. Ce n’est pas si simple mais voici comment on s’y prend.

Vous devez d’abord vous munir d’une corde bien solide et d’une jolie paire de sabots. A la tombée de la nuit, vous allez déposer vos sabots devant l’entrée d'une borne occupée par des Afars. Il va sans dire que, quelques jours auparavant, vous avez eu la sage précaution de repérer discrètement les lieux. Puis vous vous cachez ni trop loin, ni trop près. La nuit tombe, il fait de plus en plus noir et tout d’un coup vous apercevez deux petits yeux ronds brillant dans l’obscurité qui regardent à droite… à gauche… et qui viennent se poser sur vos sabots. Ah, ces sabots… comme ils sont beaux ! Notre Afar a bien envie de les enfiler mais il n’ose pas… alors il tourne autour… mais à la fin, la tentation est trop forte… il glisse un pied puis l’autre…

C’est le moment de sortir de votre cachette. Le matru va essayer de s’enfuir mais comment courir avec des sabots si lourds et bien trop grands pour de tout petits pieds ? Il suffit alors de vous jeter sur lui, de le ligoter solidement avec la corde et de l’emporter sous votre bras. Puis, une fois arrivé à la maison, vous pouvez l’enfermer, au choix, à la cave ou au galetas.

Et voilà ! Mais un Afar capturé est malheureux, il pleure toute la journée, il ne parle guère ou alors vous le comprenez mal : il s’exprime en une langue inconnue où reviennent souvent les syllabes de « micoulou-oû...coucoulou-oû. » Et puis, surtout, faites bien attention de ne jamais saler la nourriture que vous donnez à un Afar. Un seul grain de sel sur sa langue et il ne pourra plus jamais retourner parmi les siens. Il sera condamné à errer solitaire… plus tout à fait Afar, ni tout à fait humain…

 

b24c98e9376dd84967eedec6e2cf0141.jpgDe plus, lorsqu’un Afar a été enlevé, les autres viennent la nuit rôder autour de la maison et crient : « Surtout ne rÉvÈle pas le secret de la sauge ! »

Ah, le secret de la sauge… nous touchons là le plus grand mystère des Afars.

Nous autres, humains, connaissons bien la sauge comme plante aromatique utilisée par les cuisinières pour parfumer leurs plats ou comme plante médicinale aux multiples vertus. D’ailleurs, un célèbre proverbe ne dit-il pas : « Qui a de la sauge dans son jardin n’a pas besoin de médecin » ?

Mais il y a beaucoup plus étrange… les sorcières savent que la sauge fait partie des plantes sacrées depuis la nuit des temps et elles la cueillent une fois l'an à l’heure qui n’existe pas… instant fugace entre le coucher de la lune et le lever du soleil.

Mais hommes et sorcières ignorent tout du secret qui lie la sauge et les Afars…

Revenons maintenant à notre petit prisonnier enfermé dans la cave ou le galetas. Il réussit souvent à s’enfuir en se glissant par une fine ouverture ou bien vous le relâchez car il vous fait regret à pleurer tout le jour.

Il arrive aussi que les Afars enlèvent de petits humains pour les élever avec leurs propres enfants. S’ils veulent récupérer leur petiot, les parents doivent procéder comme pour capturer un Afar. Cependant, même après avoir ramené l’enfant au logis, les Afars rôdent toujours à minuit autour de la maison pour le réclamer comme un des leurs en appelant « Oh Miou-oû ! oh Miounetto ». Les parents doivent alors fermer soigneusement portes et fenêtres et souvent retenir l’enfant de force car il a toujours envie de retourner parmi les Afars qui l’aiment tant.

Aujourd’hui, bien peu de gens peuvent se vanter d’avoir vu des Afars. On dit même qu’ils s’en seraient allés depuis que l’angélus sonne. Le tintement des cloches éloigne la grêle mais aussi les « esprits ».

D’autres disent qu’ils ont tous péri sous des éboulis.

En vérité, je ne crois pas qu’ils aient vraiment disparu mais ils ne se montrent pas à tout le monde, voilà tout. Ils sont devenus méfiants à cause des misères qu’on leur a faites. J’ai entendu dire que certains mettaient des clous dans les sabots pour leur blesser les pieds et les attraper plus facilement ou que les paysans leur tiraient dessus avec des fusils à pierre quand ils les surprenaient dans leurs champs. Bien sûr, il est arrivé qu’un jardinier leur laisse quelques fruits, quelques légumes à récolter ou que des fermières donnent du lait aux mères Afars qui en avaient besoin pour leurs enfants. Mais c’était bien rare.

A vrai dire, si vous voulez avoir une chance d’apercevoir des Afars un jour, vous devez avant tout… les aimer… puis faire preuve de beaucoup de patience (et je ne sais pas si vous avez remarqué, mais aujourd’hui, la patience n'est pas une vertu très répandue !) et enfin, savoir à tout âge s'abandonner au rêve…

 
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L'ermite de Saint-Denis

medium_Maison_Carree.2.jpgDu pont Neuf, le regard s’élève vers les rochers de Saint Denis. Sentinelles farouches, ils veillent depuis des millénaires sur l’étroit passage des Fouines. Ils ont vu tant de choses ! La mémoire des lieux vit dans les cristaux de ces pierres dressées et les légendes s’y lisent comme en un livre ouvert.

La première histoire que je vais vous conter est vieille comme le monde… Elle se passe à une époque où la ville d’Annonay n’existait pas encore. A sa place, les eaux dormantes d’un grand lac reflétaient le bleu du ciel. La rivière Deûme encore bien jeune venait y terminer sa course, le faisant si profond que le sommet des rochers de Saint-Denis, accroché tout là-haut, se tenait juste au bord.

Sur le rocher, s’élevait une petite chapelle et, dans cette chapelle, vivait un ermite.

Le reclus ne sortait qu’une fois par jour pour pêcher dans le lac l’unique poisson nécessaire à sa subsistance. A peine avait-il jeté sa ligne qu’une truite de belle taille venait se prendre à l’hameçon. Il lui suffisait alors de la faire cuire et de s’en régaler. Puis il s’en retournait à ses douces prières auxquelles il consacrait le plus clair de son temps.

Mais, voyez-vous, la présence d’un homme aussi parfait que l’était notre ermite, un saint homme pour tout dire, ne manque jamais d’attirer son contraire, son jumeau des profondeurs… je veux parler du Diable. Et en effet, le Diable était bien là… Il regardait l’ermite avec ses yeux de braise et se disait :

« Je ne peux pas supporter cela plus longtemps… il faut absolument que je trouve le moyen de lui faire commettre un péché… un péché capital !… »

Alors le Diable réfléchissait et, finalement, il eut une idée…

Une nuit, alors que l’ermite méditait dans la chapelle, il entendit dehors un bruit épouvantable… pire que le pire coup de tonnerre… pire que la pire tempête… Mais le saint homme ne voulait pas se déranger pour si peu.

Le lendemain, lorsqu’il sortit pour pêcher son poisson quotidien, l’ermite vit ce qui s’était passé pendant la nuit. Le Diable avait fait s’effondrer le rocher qui retenait les eaux du lac… elles s’en étaient allées… la Deûme avait pris son cours et, au grand galop, sans se soucier du malheur des hommes, elle s’en allait maintenant faire ses noces avec la Cance… tandis que, de tout là-haut, l’ermite ne pouvait plus pêcher pour se nourrir.

Le Diable, satisfait, regardait le reclus en ricanant :

« ça y est ! » se disait-il « Maintenant, chaque jour, il lui faudra quitter son ermitage pour descendre pêcher ; il risquera de se rompre les os à chaque pas à cause des éboulis. Quand il aura enfin capturé un pauvre poisson tout maigre à force de lutter contre le courant, il devra retourner par le même chemin si escarpé qu’il en aura les jambes et le souffle coupés ! Il va enfin apprendre ce qu’est la colère… il maudira le ciel et la terre ; il reniera le Créateur qui condamne une âme pure à un sort si injuste… »

Mais, cette fois encore, le Diable se trompait… l’ermite avait confiance. Au lieu de se plaindre et de s’agiter inutilement, le saint homme se mit à cultiver son rocher…qui lui donna en échange des fruits et des légumes à la saveur de paradis.

Après cette aventure, le Diable s’en est allé et on ne l’a plus revu depuis. Du moins, ici, à Annonay. Parce que… ailleurs, vous l’avez remarqué sans doute, le Diable continue bien de se mêler aux affaires des humains !

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Les Trêves de la Deûme

 

medium_Pont_Valgelas_1.jpgSous le pont Valgelas coule la Deûme… rivière très sacrée ou déesse bienfaisante, elle jaillit sous nos pieds des entrailles de béton qui l’avaient avalée. Elle fuit sa prison en riant à tue-tête. Les nuits de pleine lune, ses eaux se parent d’une lueur argentée.

Le long de la rivière, se languissent les Trêves… Elles se tiennent plus particulièrement à proximité des ruines ou des maisons isolées.

Ce sont les sœurs des Fades qui ne sortent que la nuit car elles fuient la lumière.

L’apparition d’une Trêve est toujours annoncée par de petits bruits insolites : tintements de clochettes, grincements, craquements, soupirs, sanglots.

medium_Ciel_bleu_d_ete_6.2.jpgEnsuite, on aperçoit de petites lueurs qui se déplacent au-dessus de la rivière.

En approchant un peu, on distingue quelque chose qui ressemble à une brume légère ou à un fin nuage comme ceux qui soulignent l’éclat d’un grand ciel bleu d’été.

En approchant plus près, on voit l’image floue d’une femme très belle avec de longs cheveux défaits flottant au vent de l'Autre Monde. Elle est vêtue jusqu'aux pieds d'une robe blanche aussi légère qu'un voile.

Pendant un petit moment, la Trêve se contente de suivre la personne qui marche au bord de la rivière, elle semble l’observer puis, soudain, elle disparaît.

Des poètes ou des fous égarés pouvaient parfois en tomber amoureux mais, de façon générale et bien qu’elles n’aient jamais fait de mal à quiconque, les humains n’aimaient pas beaucoup rencontrer des Trêves. Ils trouvaient que « ça n’était pas naturel, comme qui dirait des âmes surprises dans leur route… » Et puis, elles effrayaient les animaux et, cela pouvait poser de sérieux problèmes à ceux qui se déplaçaient à cheval ou qui transportaient des marchandises à dos de mulet ! De ce fait, les cavaliers et les muletiers faisaient de longs détours pour éviter les endroits fréquentés par les Trêves.

J’ai souvent entendu dire que pour ne pas voir de Trêves, il suffit de ne pas y penser... car celui qui pense à elles risque de les appeler et de les faire surgir brusquement.

Alors, pour ne pas y penser, chacun avait sa méthode. Certains chantaient à tue-tête toutes les chansons de leur répertoire. D’autres récitaient leurs chapelets ou leurs tables de multiplication ! D’autres composaient dans leur tête des poèmes d’amour pour leur payse, leur bonne amie… enfin celle à qui ils avaient donné leur cœur.

Bien sûr, si vous ne craignez pas l'obscurité, vous ne rencontrerez jamais de Trêves.

Par contre, si vous craignez l'obscurité et si vous savez les apprivoiser, les Trêves viendront la nuit pour vous rassurer et alors, qui sait, elles vous parleront peut-être de leurs sœurs, les Fades.

Les Fades ont précédé les anges. Elles en avaient la douceur et la sérénité. Elles veillaient sur les humains avec tendresse comme une mère sur ses enfants.

Ici, à Annonay, les Fades habitaient sur le Mont Miandon*. Leur reine s’appelait Lusette. Elle était d’une extraordinaire beauté ! Les soirs de pleine lune, elles descendaient laver leur linge dans la Deûme au quartier de Faya et elles l’étendaient sur l’herbe pour le faire sécher. Les Annonéens venaient admirer leurs belles robes… de loin car s’ils s’approchaient un peu trop près… pffft… tout disparaissait…

* Colline qui domine Annonay

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09:35 Publié dans Légende | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : légende, trêves, fades, deûme